dimanche 2 juillet 2017

LOUP, LETTRE OUVERTE À NICOLAS HULOT


                                                                                                     À l'attention de :

                                                   Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire,
                                                   Hôtel de Roquelaure, 246 boulevard Saint-Germain
                                                   75007 PARIS



Les Pres le 29 juin 2017


Monsieur Le Ministre de la Transition écologique et solidaire,


Ancien chevrier à la retraite, porte-parole de plusieurs associations d'éleveurs et bergers, 1er adjoint dans ma commune membre de l'USAPR* qui subit de plein fouet la prédation, bien que cette démarche soit soutenue par les associations citées dans l’annexe et par de nombreux éleveurs et bergers, je vous écris aujourd'hui « en mon nom propre. »

Nous avons bien entendu vos positions sur la problématique du loup.
Avez-vous affirmé « C’est un équilibre à trouver entre la préservation du loup et la possibilité de faire du pastoralisme » ?
Si oui, c'est ce que nous répondent tous les Préfets qui ne sont que les représentants de l’État et de sa politique en préambule de chaque "Comité loup".

M. Hulot, sauf erreur de ma part, la « Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme » (1) est membre de L'UICN. 
Pour le WWF, l'UICN et le LCIE l’équilibre entre la préservation du loup et"la possibilité de faire du pastoralisme" est réduite à peau de chagrin :
« Dans ces zones [où évolueront les grands prédateurs] sont inclus les secteurs où doivent être établis de fortes restrictions à l’élevage, en accord avec les réalités locales, afin que l’élevage ne perturbe pas les carnivores ».
Dans les « territoires inadaptés à sa présence : secteurs du centre et de l’ouest de la France particulièrement axés sur l’élevage intensif  où sa présence sera inappropriée […]  renforcement du prélèvement rendant le loup inapte à son installation. »

M. Hulot, ce déséquilibre entre de fortes restrictions pour l’élevage traditionnel extensif et l’exclusion des prédateurs dans les zones de productions intensives et industrialisées ne permettra pas, je le crains "une discussion apaisée" comme vous le souhaitez.

J'aimerai par ailleurs bien comprendre votre position ("j'ai vu cohabiter le monde sauvage et les communautés humaines dans des situations beaucoup plus délicates, notamment en Afrique"). Le fait que des populations subissent des conditions d’existence difficile pour cohabiter avec des prédateurs justifie-t-il que nos conditions se dégradent ? S’agirait-il d’ailleurs des conditions d'existence de tous les français ou seulement de celles des paysans confrontés aux prédateurs ? 

Allez-vous laisser faire chez nous ce qui s'est fait avec le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) (2) au Botswana, où les bushmen ont été délocalisés (3) sous prétexte de biodiversité ?

En Inde, les peuples indigènes sont illégalement expulsés de force (4) des réserves de tigres pendant que les touristes y sont les bienvenus.
Au Botswana et au Cameroun (5), où cela a pris des proportions démesurées, les peuples indigènes sont accusés de braconnage parce qu’ils chassent pour se nourrir. Ils sont en butte aux brutalités, aux arrestations, à la torture et à la mort tandis que les chasseurs de trophées sont privilégiés. 


Alors oui M. Hulot, ces populations sont dans des situations beaucoup plus délicates que nous autres ruraux français. Nous qui sommes les seuls à subir les conséquences de la prédation pour que les environnementalistes adeptes « du tout sauvage loin de chez eux »  puissent réaliser leur « idéal affectif » de la nature. 

Pendant que nous galérons, sur nos terres en butte à l'ensauvagement.
Pendant que chaque année, plus de 70 000 ha sont artificialisés et sacrifiés sur l'autel de la modernité.
Pendant que dans les zones urbaines et péri-urbaines, nous constatons la débauche du mondialisme ;
Pendant ce temps, dans la ruralité profonde, nos territoires servent à la rédemption des évangélistes adeptes du sauvage à tout crin. Nos terres préservées vont même devenir des « actions de compensation environnementale » une fois que nous aurons dû les quitter par la force des choses.

Vous avez proposé : "j’ai lancé dès aujourd’hui un travail collectif pour co-construire les conditions de coexistence avec le loup."
En visionnant cette vidéo « Message de Nicolas Hulot » (6) on comprend le poids que les fondamentalistes du tout sauvage font peser sur nos représentants élus ou nommés.

M. Hulot vous n'avez de cesse de vous excuser d'avoir accordé le droit aux bergers de défendre leurs troupeaux.Vous allez même jusqu’à espérer que cela ne se traduira pas par la mort du prédateur. 
De notre côté, nous, de jour comme de nuit, nous « croisons les doigts » pour que nos animaux lui échappent.
M. Hulot, qu'attendez-vous ? Que le berger armé ne puisse se défendre ? Ou que plutôt le berger qui refuse de porter les armes se fasse attaquer ? 
Après avoir écouté votre discours culpabilisant, dans quel état psychologique se retrouvera celui, bienveillant envers la biodiversité, qui aura été forcé d'abattre un loup s'en prenant à son troupeau ?
En attendant que vous remettiez tout à plat, combien de bergers auront démissionné? 

Monsieur Hulot, dans certains passages de votre discours ressortent des menaces pour la survie du pastoralisme. 

Mais nous avons aussi entendu des propos qui nous ont touché. 
Des propos justes sur ce que vivent ces ruraux remarquables par leur mode de vie. 
Des propos justes sur le respect qu'ils ont de leur animaux  élevés et sacrifiés pour nourrir sainement nos concitoyens dans la traçabilité, la durabilité et la proximité. 
Des propos justes sur l'impact favorable de leur relation avec  notre biodiversité, nos paysages et nos montagnes. 

Pourtant, ces gens sont devenus aux yeux de certains des parias de la société. Et ce malgré plus de 22 ans d'efforts pour mettre en place massivement tous les moyens de protection possibles et imaginables.
Des parias, parce qu'ils ne parviennent pas à se protéger contre les prédateurs. Je parle ici des éleveurs et paysans traditionnels et des bergers et de tous les petits métiers qui en découlent.

Monsieur le Ministre, c'est le moment ou jamais de prendre rapidement conscience de la réalité : le pastoralisme se meurt. Sans mesure courageuse, le tournant sera définitivement pris. 


Monsieur le ministre, dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire à l'expression sincère de ma considération.





ANNEXE


* USAPR : Union pour la Sauvegarde des Activités Pastorales et Rurales  


plaidoyer pour des écosystèmes non désertés par les bergers : Nos paysages emblématiques de montagnes, collines, bocages et marais sont constitués d’une mosaïque de milieux façonnés au fil des siècles par les pratiques paysannes. La vitalité de ces espaces, de plus en plus appréciés par nos sociétés urbanisées, se dégrade rapidement quand ils ne sont plus entretenus par le pâturage des troupeaux notamment. Or, en de nombreuses régions, les troupeaux subissent l’assaut des loups. Que faire ? La gravité de la situation plaide pour l’adoption de mesures d’urgence, sur le terrain comme dans le domaine réglementaire. http://www.liberation.fr/terre/2014/10/12/plaidoyer-pour-des-ecosystemes-non-desertes-par-les-bergers_1120258

Connaître le point de vue de la Confédération Paysanne : La Confédération paysanne se bat pour une agriculture paysanne, face à une agriculture industrielle prédatrice pour les paysans, les territoires et l’environnement. Elle défend le droit pour les paysannes et paysans de chaque peuple à vivre de leur activité et selon leur culture.
Le constat de la cohabitation impossible entre loups et pastoralisme n’est pas issu d’une idéologie « anti-loup ». Il ne s’appuie pas sur une défense corporatiste mais repose sur l’expérience de paysans bienveillants envers la biodiversité. Cette position est issue de la pratique de paysannes et paysans qui ont, pour certains, passé plus de vingt ans à essayer de « s’adapter », en vain. https://drive.google.com/open?id=0B9HT6mzNQ__VS2lDb3hfMUJPN1E

Le pastoralisme entre agroécologie et prédation, entre foi dans l’avenir et désespérance
Pendant ce temps, dans nos montagnes, dans nos collines, des Alpes aux Vosges et à la Lorraine, des Pyrénées Orientales à la Lozère, il y a des éleveurs et des bergers qui pleurent ; des éleveurs et des bergers qui pleurent des larmes de souffrance, d’impuissance, de désespoir, face aux ravages toujours plus étendus et de moins en moins contrôlables que provoque la prédation sur les troupeaux par les populations de loups en croissance continue et solidement implantées. Dans chaque cas, ce sont des années de travail patient et tenace qui volent en éclats, des vies de familles qui vacillent, la confiance dans les espaces pastoraux qui disparaît, la convivialité avec les randonneurs et autres pratiquants de loisirs en milieu naturel qui laisse place à l’angoisse des risques générés par la présence imposée des chiens de protection. Depuis plus de vingt ans la situation ne cesse d’empirer ; les moyens de protection, massivement mobilisés par les pouvoirs publics et massivement mis en œuvre par les éleveurs, s’avèrent d’efficacité limitée et lourdement contraignants. Encore combien de temps cela pourra-t-il tenir ?
Le Bulletin de l'Association Française de pastoralisme : https://drive.google.com/file/d/0B9HT6mzNQ__VVl9wNHJqLS02VW8/view?usp=sharing

Extrait du livre de L. David Mech et Luigi Boitani, Behavior, Ecology and Conservation : « Pour le dire crûment, de plus en plus de gens aiment le loup, mais de moins en moins comprennent et mesurent son contexte écologique. Après des décennies de plaidoyer en faveur de la conservation du loup, nous sommes maintenant au défi de réorienter cette adhésion vers un raisonnement plus rationnel, contextualisé enfin, en prenant en compte non seulement le loup, mais aussi tout son environnement, y compris les intérêts légitimes de l’homme. /…/ A propos du loup taxé d’«espèce parapluie», de «clé de voûte de la biodiversité», d’«indicateur de la qualité ou de l’intégrité d’un habitat» et autres idées reçues qu’ils ont inspirées eux-mêmes, les auteurs constatent ceci : «Les loups ne méritent pas de tels labels. Si ceux-ci ont été de formidables moyens pour déclencher les émotions, obtenir et réunir rapidement des soutiens au rétablissement des loups, il nous faut prendre conscience que ce furent là des raccourcis pour vendre un produit, plutôt que de bonnes bases scientifiques. Le loup devra être contrôlé partout où il revient. Dans la plupart des cas, le contrôle direct par destruction est habituellement l’unique voie possible.» http://www.liberation.fr/debats/2017/06/26/derriere-le-mythe-juste-un-animal_1579651



































Cette démarche personnelle a reçu le soutient de :
Collectif pour la sauvegarde du pastoralisme dans le Haut Diois, 26310 Les Pres
Association Éleveurs et Bergers du Vercors Drôme-Isère, 26120 Combovin
Collectif des Éleveurs de la Région des Causses et Leur environnement 48,  48 150 Hures La Parade.
Association des amis de l'Aigoual, du Bougés et du Lozère, 48220, Le Pont de Monvert.
Collectif des Éleveurs de la Région des Causses et Leur environnement 12,  12 150 Séverac d'Aveyron.
Association pour l'Équilibre et le Développement du Massif vosgien, 68 160 Thillot







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