jeudi 14 décembre 2017

PRÉDATEURS, LES PETITS ÉLEVAGES LAITIERS SUR LA SELLETTE

Monsieur le Ministre de la transition écologique et  
solidaire
Ministère de la transition écologique
et solidaire
92055 Paris la Défense cedex
Le 10 décembre 2017

Objet : indemnisation des dégâts de loup, ours et lynx

Monsieur le Ministre,
En tant que président de l'association Bergers Fromagers Rhônalpins qui regroupe les éleveurs ovins lait de 8 départements, j'ai l'honneur d'attirer votre attention sur la question de l'indemnisation des dégâts dus au loup pour les éleveurs de brebis laitières de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Bien qu'aucun mandat ne me permette de m'exprimer au nom de l'ensemble des éleveurs ovins lait de France, je ne doute pas que ce courrier ne soit d'une portée assez générale pour la filière ovine laitière.

Je vous précise d'emblée que cette démarche n'est pas motivée par la défense corporatiste d'un groupe particulier d'éleveurs aux dépends des autres. Ce courrier vise uniquement à attirer votre attention sur les conséquences économiques dramatiques, visiblement sous-estimées, que subiront les éleveurs de brebis laitières de nos régions, si le projet de note relative à l’indemnisation des dommages causés par le loup, l’ours et le lynx aux troupeaux et animaux domestiques, que nous avons pu consulter, était appliqué en l'état.

J'attire votre attention sur deux points en particulier :

- le conditionnement des indemnisations à la mise en place de mesures de protection des
troupeaux.
Vous n'êtes pas sans ignorer l'extrême difficulté technique et économique que représenterait la mise en place des mesures de protection pour les grands troupeaux ovins laitiers des Causses. Cela a été mis en évidence par le rapport d'octobre 2017 établi par l'INRA. L'application de la circulaire susnommée aurait des conséquences également dramatiques pour les élevages de brebis laitières de notre région.
Comme le montre une enquête récente menée avec l'appui de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les
troupeaux de brebis laitières de notre région sont à majorité fromagers (96%) et de petite taille (90 brebis en moyenne). Depuis dix ans, cette filière est extrêmement dynamique en terme de nouvelles
installations. Malgré leur petit effectif, les troupeaux sont souvent menés en plusieurs lots (agnelles,
adultes, lots de traites), qui pâturent la journée ou la nuit. Pour ces petits élevages, le salariat de
bergers n'est pas économiquement envisageable s'il est à la charge de l'éleveur. Le plan loup ne prévoit aucune aide pour les troupeaux de faible effectif.

Les autres mesures de protection prônées par vos services telles le confinement nocturne des
troupeaux, l'élevage et l'entretien de plusieurs chiens de protection, condition sine qua non d'une relative efficacité en cas d'attaque, ou une surveillance continue par gardiennage par les éleveurs déjà occupés à temps plein par les tâches nécessaires à leur activité (traite, fromagerie, cultures, commercialisation) sont techniquement et économiquement extrêmement difficiles à mettre en place. Il est donc impératif de laisser aux éleveurs la liberté de procéder au mieux de leurs possibilités et intérêts au choix des moyens utiles à la protection de leur troupeau, sans leur imposer des contraintes réglementaires à portée générale, qui seront inapplicables dans la majorité des cas. Il serait inconcevable de penser qu'un exploitant agricole dont la survie dépend de sa bonne gestion technique et économique puisse prendre des mesures moins efficaces pour protéger son activité que celles qui seraient imposées par l'administration !

- la compensation financière de pertes occasionnées par le loup.
J'attire tout particulièrement votre attention sur le fait que, pour des petits élevages laitiers fromagers, dont les surfaces pastorales primées sont fréquemment faibles, le revenu repose essentiellement sur la production de lait. La perte de seulement quelques individus (la perte de 3 à 5 brebis en une seule attaque n'est pas rare) peut mettre en péril, en une seule saison, la survie de l'exploitation toute entière si les indemnisations apportée par l'Etat ne couvrent pas le manque à gagner des exploitants. Le niveau d'indemnisation proposé dans le barème qui a été présenté aux organisations professionnelles et syndicales pour les ovins laits est en nette régression par rapport à la circulaire précédente de 2011, elle-même déjà très mal calibrée pour ce type d'élevage. Sans rentrer dans des détails techniques que nous pourrions vous développer au besoin, nous estimons par exemple que l'indemnisation de 525 euros proposée pour une brebis laitière fromagère revient à laisser à la charge de l'éleveur dans certains cas, entre le tiers et 3⁄4 de la perte subie ! Cela est consternant car cela revient à faire financer à l'avenir, encore plus qu'aujourd'hui, une part de l'alimentation du loup par les éleveurs eux-mêmes ! On peut remarquer en outre que l'indemnisation forfaitaire des pertes proposée pour des brebis laitières est toujours nettement inférieure à celle des caprins, et qu'aucune souplesse n'est prévue pour les ovins laits, permettant dans les cas particulièrement dramatiques et sur présentation de justificatifs, d'ajuster l'indemnisation aux pertes subies. Ce contraste est surprenant dans la mesure où, à notre connaissance, aucune donnée technique ou économique ne permet d'étayer un moindre coût d'élevage ou une moindre rentabilité des élevages ovins laits. Je ne peux supposer que cela soit dû à de simples considérations budgétaires qui s'exerceraient au détriment des éleveurs ovins.

En tout état de cause et pour les raisons évoquées ci-dessus, la proposition de barème ne peut
être acceptée par les éleveurs ovins lait de notre région, et elle fera probablement l'objet des plus vives contestations si elle devait être mise en application en l'état.

J'ai donc l'honneur de vous demander d'ajuster le niveau d'indemnisation des pertes de brebis laitières sur une estimation sérieuse du coût de remplacement d'une brebis laitière et de la perte financière du lait destiné à être vendu en laiterie ou transformé en fromages. A minima, il est impératif d'inclure dans ce barème la souplesse nécessaire permettant aux éleveurs de brebis laitières d'être indemnisés à hauteur des pertes réelles subies, sur la base de justificatifs simples telles la production laitière moyenne de leur troupeau et la valorisation moyenne du lait.

Espérant que ma requête ne vous laissera pas indifférent, je vous remercie par avance de l'intérêt que vous voudrez bien porter à ce dossier.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.

Yves ODOUARD
Président de Bergers Fromagers Rhônalpins
Pierre BIOT, Nadine FANGEAT, Alban CHOLVY, Julia BESSIN, Mélanie CHENE administrateurs
Bergers Fromagers Rhônalpin


3 commentaires:

  1. Les bavarois ont publié leur estimation du coût des mesures de protection contre le loup, sur base d'une analyse de risque. Ont été considéré comme à risque tous les troupeaux de ovins, caprins ainsi que les jeunes bovins et équins. Sur cette base, sur un total de 352.000 ha de prairies, celles à protéger représentent un investissement dans 57.405 km de clôtures électriques, pour un investissement initial de 241 à 413 millions d'euros, et un coût annuel pour l'entretien de 28 à 43 millions €. Étude complète disponible ici: http://www.lfl.bayern.de/publikationen/informationen/177337/index.php

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  2. Un petit tour d'horizon
    LES MESURES DE PROTECTION CONTRE LE LOUP : UN RÊVE OU UNE RÉALITÉ?
    http://leloupdanslehautdiois.blogspot.fr/2017/12/les-mesures-de-protection-contre-le.html

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  3. La vie est un éternel recommencement ,les anciens avait éradiqué ces saloperies ,et a cause de quelques écolos rêveurs ,tout le travail est a recommencer !
    1

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