Le retour des prédateurs: la bête avant l’Homme ?
Les médias romands traitent en général ce qu’il est convenu d’appeler « le retour des prédateurs » d’une manière superficielle. Ils tendent ainsi à favoriser les dérives sentimentales et utopistes de tous ordres caractérisant notre société richissime, notamment celles véhiculées par certains soi-disant défenseurs de l’environnement et de la biodiversité. Cultivant la crédulité et les émotions de leurs concitoyens, ces derniers mènent entre autres combats celui de la réinstallation du loup, de l’ours et du lynx dans un pays dont nos aïeuls avaient fini par les chasser voici plus d’un siècle parce qu’ils entravaient leur labeur.
Un mensonge originel fonde toute la communication des défenseurs des trois prédateurs. Il consiste d’une part à laisser croire que ces derniers ont disparu de nos terres parce qu’ils auraient été « persécutés » par l’espèce humaine, pourchassés à cause de nos peurs ancestrales et pour de mauvaises raisons. D’autre part, il vise à nous convaincre que le retour des trois animaux serait naturel et que nous serions forcés de nous y adapter. Or la réalité est très différente. Si les Helvètes exterminé le loup, l’ours et le lynx voici plus d’un siècle ce ne fut pas par stupidité et méchanceté mais bien parce que ces animaux leur nuisaient. Et si ces derniers reviennent c’est parce que nos parlementaires, se pliant aux exigences des activistes de l’écologie, en ont interdit la chasse.
La réapparition des prédateurs représente en 2013 pour les apiculteurs et les éleveurs le même embarras qu’en 1850 et pour le bétail le même danger de mort. Promouvoir leur retour exigerait donc une argumentation fondée sur des éléments plus sérieux que le naturalisme simpliste qu’affichent les écologistes. Ils pourraient évoquer l’intérêt que cette réapparition marquerait sur le fonctionnement de l’écosystème mais comme cet intérêt est inexistant ils sont contraints de s’en abstenir. L’action de quelques individus reste en effet sans influence significative sur l’écosystème ; quant à une présence nombreuse, elle demeure impossible parce qu’elle impliquerait des efforts de prévention et des dommages insupportables pour les éleveurs comme pour les deniers publics requis par leur indemnisation. Les écologistes pourraient aussi mentionner l’attrait touristique et pédagogique du loup, de l’ours et du lynx, mais ils n’en pipent mot puisque bien évidemment personne ne sera jamais en mesure d’apercevoir ces prédateurs dans leur environnement naturel.
La dérive intellectuelle des « jusqu’au-boutistes » de l’environnement et de la biodiversité trouve probablement son explication dans le constat que chez eux la sensiblerie et le dogmatisme ont manifestement pris le pas sur la raison. Le professeur Jacques Blondel le souligne d’ailleurs dans son dernier ouvrage (L’Archipel de la vie) : « Les représentants les plus radicaux de l’écologisme militant conçoivent l’idée de Vie, le sentiment de Vie, comme l’unique valeur, l’unique source d’une éthique possible. La profession de foi de ce « bio-centrisme » est de proclamer la vie de la mère Terre plus précieuse que celle de l’espèce humaine et, en tous cas, prioritaire sur elle ».
Pas étonnant donc qu’ils s’expriment comme s’il existait une seule « vraie » biodiversité et un seul fonctionnement « juste » des écosystèmes. Ce sont celle et celui qui évolueraient « naturellement », c’est-à-dire hors de toute ingérence de l’espèce humaine. Evidemment incapables de fixer la période à laquelle correspondraient la vraie biodiversité et le fonctionnement juste des écosystèmes, ils sont condamnés à rejeter l’idée même de l’extinction d’une espèce, fût-elle la moins utile, et à militer pour la réintroduction de toutes celles qui ont disparu, le loup, l’ours et le lynx en l’occurrence.
Ces gens discourent et se comportent comme si l’humanité ne faisait pas partie de la biodiversité, comme si, contrairement aux autres espèces animales et végétales, elle n’avait pas le droit d’agir comme toutes les autres, à son profit, sur l’environnement. Au prétexte de la protection de la nature, au sein de laquelle pourtant les espèces se détruisent, disparaissent et apparaissent en permanence, l’Homme devrait, lui, se mettre « hors jeu ». Il devrait se limiter à assister à cette lutte aussi éternelle que naturelle, se contenter de veiller à sauvegarder les animaux et les végétaux peuplant aujourd’hui la planète, même ceux qui lui nuisent et dont il a pu se débarrasser au cours des siècles.
Pour l’humanité certaines espèces sont fonctionnellement essentielles en ce sens qu’elles assurent des fonctions indispensables en termes de production de biens et de services. L’Homme doit donc apprendre à mieux mesurer l’impact de ses activités sur son environnement, sur la biodiversité en particulier, cela pour des motifs éthiques, certes, plus prosaïquement parce que c’est son intérêt bien compris, « durable », et que son intelligence l’ordonne.
Mais à l’évidence le retour que certains ambitionnent du loup, de l’ours et du lynx n’a rien à voir avec ces préoccupations légitimes et intelligentes.
Pierre Kunz, ancien député et constituant PLR
Article publié également par Le Temps, 8 novembre 2013
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