TOUT CONCORDE, ON CROIRAIT UN ARTICLE SORTIT DU" LOUP DANS LE HAUT DIOIS!"
LOUPS ET
PASTORALISME, la version d'origine, plus facile a lire avec photos!
L’IMPOSSIBLE COHABITATION
La Confédération paysanne
se bat pour une agriculture paysanne, face à une agriculture
industrielle prédatrice pour les paysans, les territoires et
l’environnement. Elle défend le droit pour les paysannes et
paysans de chaque peuple à vivre de leur activité et
selon leur culture.
Le constat de la cohabitation
impossible entre loups et pastoralisme n’est pas issu d’une
idéologie « anti-loup ». Il ne s’appuie pas sur
une défense corporatiste mais repose sur l’expérience
de paysans bienveillants envers la biodiversité. Cette
position est issue de la pratique de paysannes et paysans qui ont,
pour certains, passé plus de vingt ans à essayer de «
s’adapter », en vain.
LES LOUPS, ESPÈCE STRICTEMENT
PROTÉGÉE ET NON GÉRÉE
Malgré une population estimée
entre 10 000 et 15 000 individus, les loups ont toujours le statut
d’espèce protégée en Europe. La France a
ratifié la convention de Berne sans émettre de
réserves, contrairement à d’autres pays où les
loups étaient déjà présents. Puis, en
1992, elle a transposé la directive Européenne «
Habitat Faune Flore » relative à la conservation des
habitats naturels, de la flore et de la faune sauvages.
En mai 1993, date officielle du retour
des loups en France dans la zone protégée du Parc du
Mercantour, le ministère de l’Environnement a lancé
un Plan d’action avec pour principal objectif l’acceptation
sociale des loups. Il proposait des mesures de protection et
d’amélioration de la vie pastorale, et mettait en place les
constats de dommages et les indemnisations.
En 1998, les ministères de
l’Agriculture et de l’Environnement créaient le Groupe
National Loup afin d’élaborer « une stratégie
nationale de conservation du loup liée à un
pastoralisme durable ». Il est composé de représentants
des organismes publics et privés concernés par le
retour des loups. Depuis, les Plans loup se sont succédés
sans répondre aux attentes profondes des éleveurs
confrontés à la prédation.
Le ministre de l’Agriculture,
Stéphane Le Foll, parlait encore il y a peu d’«
éduquer le loup ». Après 20 ans de tâtonnements
et d’expériences désastreuses, c’est une véritable
insulte faite aux éleveurs et bergers. Combien auront
abandonné pendant cette nouvelle expérience «
d’éducation » sans ambition concrète pour le
pastoralisme ?
DES MOYENS DE
« PROTECTION » QUI ONT ATTEINT LEURS LIMITES
Les mesures expérimentées
et mises en place depuis 20 ans ont conduit à une impasse. Si
le nombre de victimes par attaque diminue, le nombre d’attaques,
lui, ne baisse pas. Les meutes se sont adaptées : 85% des
attaques ont été constatées sur des troupeaux
ayant mis en place les mesures de protection préconisées
par l’Etat, 100 % dans le Parc du Mercantour (où les
prélèvements de loups sont interdits).
En 2013, 1426 éleveurs ont signé
des contrats de protection pour un montant total de 10,4 millions
d’euros. Les mesures de protection sont financées à
80% mais les éleveurs de petits troupeaux en assument bien
plus car les moyens sont proportionnels à leur taille.
LES CHIENS DE PROTECTION
L’usage des chiens de protection a
été demandé par les autorités. Ils sont
devenus indispensables mais leur introduction dans les troupeaux pose
des problèmes financiers et de surcharge de travail. Les
éleveurs de petits troupeaux financent les mesures de défense
supplémentaires à 100 %. De plus, les conflits avec les
autres usagers de la montagne sont de plus en plus fréquents
et peuvent se terminer au tribunal. Chaque année des chiens de
protection sont blessés ou tués lors des attaques.
Eleveurs et bergers portent donc également la responsabilité
de la mort de ces chiens avec lesquels ils vivent. Par ailleurs, les
troupeaux de moins de 150 animaux ne sont aidés financièrement
que pour un chien. Comment peut-on imaginer qu’un seul chien puisse
faire face à plusieurs loups ?
IDÉE
REÇUE « CE SONT LES GROS TROUPEAUX QUI SE FONT ATTAQUER
»
En
2013, les troupeaux de plus de 1200 animaux rassemblent 21 % des
constats. On atteint 40% sur les troupeaux de moins de 450 animaux.
LE PARC DE NUIT
Le parcage de nuit est devenu
obligatoire pour éviter l’affolement du troupeau, allant à
l’encontre des pratiques des éleveurs et des besoins des
animaux. « J’enferme mes animaux pour leur survie mais je ne
les respecte pas », explique Marc, dans les Alpes-Maritimes.
Confinées dans un espace restreint qu’elles n’ont pas
choisi, les bêtes ne peuvent plus manger la nuit comme elles le
font lors des fortes chaleurs. De plus, il faut prévoir des
allers-retours quotidiens au parc de nuit, sur des zones pentues qui
s’érodent avec le piétinement des bêtes.
Et pourtant, ces clôtures
n’arrêtent pas les loups qui attaquent à l’intérieur
des parcs. En dehors des estives, sur les pâturages des fermes,
la bergerie devient le seul moyen de protection. Philippe, dans la
Drôme : « j’ai dû changer totalement mon
système d’exploitation. J’ai divisé mon troupeau
par deux, et la bergerie est devenue la seule garantie pour parer aux
attaques de nuit. Mais les attaques sur mon troupeau se sont
reportées le jour ».
Dans les Alpes-Maritimes, en 2013, 52 %
des attaques (plus de 400) ont eu lieu de jour. Ces attaques de jour,
quand elles ont lieu en milieu boisé, ne donnent aucune chance
aux bergers.
LA PRÉSENCE HUMAINE
De nombreux témoignages,
accompagnés de photos, montrent que les attaques se produisent
en présence du berger et des chiens de protection. En effet,
l’homme n’est plus un prédateur pour les loups. Ils en ont
donc de moins en moins peur et attaquent toujours plus près
des bergeries. Par ailleurs, on oublie ces milliers de fermes en
polyculture élevage, ces fermes diversifiées ou les
paysans parquent leurs troupeaux au pâturage pendant qu’ils
s’occupent de semer, récolter, faire du fromage, de la vente
directe, etc. Dire aux éleveurs qu’ils n’ont qu’à
garder leurs brebis montre le fossé creusé entre la
société et les paysans. Il n’y a aucune solution
supportable pour faire face au surplus de travail causé par la
prédation.
LE PROTOCOLE D’INTERVENTION
Les premières décisions
de prélèvements ont été prises en 2000,
mais ce n’est qu’en 2004 que des loups ont été
prélevés par les services de l’Etat. Ces dérogations
sont obtenues « afin de prévenir des dommages importants
aux élevages » mais ne doivent pas nuire au «
maintien dans un état de conservation favorable des
populations de loups dans leur aire de répartition naturelle »
(1)
. Dans les faits, les plafonds de prélèvement autorisés
(36 en 2014, soit environ 10% des loups sur le territoire)
garantissent surtout l’augmentation de la population (taux de
croissance démographique de 20% par an). Surtout, seuls
quelques loups sont prélevés chaque année, huit
sur 24 en 2013. Cette mascarade ne fait que fragiliser le rapport de
confiance entre les éleveurs et l’administration.
Aujourd’hui, ce sont les éleveurs
qui se voient, en plus, déléguer la responsabilité
de tirer sur les loups. Dans un contexte de réduction des
budgets, le ministère de l’Écologie a aussi donné
cette possibilité aux chasseurs. L’Etat ne fait donc que
reporter sa responsabilité sur les éleveurs, bergers et
chasseurs. Pourtant, c’est d’abord à lui de prendre en
charge les prélèvements pour faire baisser la prédation
!
L’INSUPPORTABLE
QUOTIDIEN DES ÉLEVEURS ET BERGERS FACE À LA PRÉDATION
« Nous
travaillons en couple dans une zone montagneuse, tous les deux
passionnés par le métier d’éleveur. Nous avons
le sentiment de mal faire notre travail. Nous devons abandonner des
pâturages devenus trop dangereux et nous ne pouvons plus faire
manger nos animaux comme il faudrait. Notre vie familiale est
difficile. L’un de nous deux doit rester sur la montagne 24 h sur
24 pour tenter de protéger les brebis face aux loups, pendant
que l’autre s’occupe seul du ravitaillement et du reste de
l’exploitation, se sentant sacrifié de n’être pas
auprès des bêtes. Entre colère, désespoir,
et frustration la communication devient difficile. Nos enfants de 4
et 8 ans subissent cette situation. Les loups s’approchant de plus
en plus des hommes, nous craignons même pour leur sécurité.
J’ai trente ans et je ne tiendrai sûrement pas jusqu’à
soixante. »
Claire, dans les
Alpes-Maritimes
Insupportable d’entendre un éleveur,
au bord des larmes, raconter ses jours et ses nuits à monter
une garde épuisante et inutile parce que les loups, de toute
façon, sont invisibles et quand on s’en rend compte c’est
trop tard ; se culpabiliser de dormir chez soi et pas avec le
troupeau ; se réveiller en permanence la nuit quand les chiens
aboient, que les sonnailles s’excitent ; ne plus savoir parler de
rien d’autre que ça ; les gosses qu’on ne voit pas grandir
parce qu’on vit en permanence « au cul » du troupeau ;
le sentiment d’impuissance et d’inutilité qui vous envahit
; la compagne ou le compagnon qui décide d’abandonner face à
ce harcèlement.
La Mutualité Sociale Agricole a
mis en place
un dispositif pour accompagner les
éleveurs
touchés par les attaques de
loups et a réalisé
le film « Éleveurs, les
morsures invisibles ».
« Il y a un choc immédiat,
commente le docteur Nathalie Bugeaud, médecin du travail à
la Mutualité
Sociale Agricole. L’éleveur
est horrifié. Le risque, c’est qu’il s’isole et qu’il
développe ultérieurement un
syndrome de stress post-traumatique
(flash-backs, cauchemars…). Il peut sombrer dans la dépression
et cela peut le conduire jusqu’au
suicide. »
Les conséquences des attaques de
loups vont donc bien plus loin que ce que donnent à voir
ces images d’éleveurs criant «
mort au loup » en déposant des carcasses devant les
bâtiments
administratifs. Éleveurs et
bergers soumis à la prédation vivent dans un stress
permanent. Ils
doivent se battre sur tous les fronts :
face aux loups, face à l’administration, face aux idées
reçues. Parce qu’en plus de se
sentir désemparé dans de telles situations, il est tout
aussi dur
d’être confronté à
l’incompréhension et aux reproches du grand public.
CONSTATS ET INDEMNISATIONS
Suite à une attaque, les
cadavres doivent être retrouvés par l’éleveur
avant de contacter l’Office
National de la Chasse et de la Faune
Sauvage (ONCFS). Pour le constat, il faut retrouver la boucle
d’identification de la brebis, donc
passer parfois des heures à chercher la tête d’une
brebis égarée.
Les animaux disparus ne seront tout
simplement pas indemnisés.
En France, en 2013, 1862 attaques et
6188 victimes ont été constatées, soit près
de
2 millions d’euros d’indemnisations.
On estime que seulement deux animaux sur trois sont
effectivement indemnisés.
Les agents de l’ONCFS constatent
chaque bête tuée. Un prélèvement est
réalisé au scalpel sur
le cou de l’animal (photo ci-contre).
Les constats sont longs et fastidieux. Il faut parfois accompagner
les agents pendant de longues heures,
puis passer sa journée, voire plusieurs jours, à
rassembler le troupeau éparpillé
suite à l’attaque.
L’indemnisation est fixée par
un barème national, mais les animaux d’un troupeau ne sont
pas
des objets interchangeables. Ces brebis
mères sont élevées depuis leur naissance,
sélectionnées
pour aboutir au troupeau qui convient à
la production et au territoire. Le rapport affectif est
réel. Comment accepter de devoir
achever ses brebis pour abréger leurs souffrances quand les
blessures ne peuvent être
soignées ?
Les indemnisations de l’Etat ne
couvriront jamais les dégâts sociaux de la prédation.
Il ne
s’agit pas de distribuer plus
d’argent. L’Etat doit permettre aux éleveurs et bergers de
pratiquer
leur métier dignement.
Il n’y a aucun rapport entre une
brebis qu’on a élevée depuis sa naissance, qu’on
garde sur l’exploitation
souvent plus de 10 ans, qui se fait
tuer lors d’une attaque, et la production de viande qui est
l’aboutissement du travail des éleveurs. La relation de «
communauté » entre l’éleveur, le berger et son
troupeau
marque bien la différence entre
l’élevage paysan et l’élevage industriel.
« DE TOUTE FAÇON LEURS
BÊTES SONT DESTINÉES À L’ABATTOIR » IDÉE
REÇUE
DR - Confédération
Paysanne
L’ENSAUVAGEMENT DU TERRITOIRE, UNE
IDÉOLOGIE À COMBATTRE
Les loups sont de plus en plus nombreux
(plus de 300 en France en 2013, prévision de 700
en 2018) et leur territoire s’étend
sur une trentaine de départements. Tout laisserait donc
croire que le « sauvage »
retrouve une place dans notre société. Pourtant, un
environnement
respecté n’est pas inhérent
à la présence des loups. Depuis des millénaires,
le pastoralisme
façonne et entretient les
paysages, et les loups ne limitent pas leurs aires géographiques
à ce
qu’on voudrait appeler «
espaces sauvages ».
2 Source ONCFS sur la base d’un taux
de croissance démographique de 20% par an entre 1997 et 2012.
POUR LA PROTECTION ET LES
INDEMNISATIONS, LES MESURES D’URGENCE
SUIVANTES DOIVENT ÊTRE MISES EN
OEUVRE :
• La prise en charge à 100%
par l’Etat de l’ensemble des mesures de protection ;
• La transmission de l’information
en temps réel, à tous les éleveurs et bergers,
sur les dynamiques de populations de loups et la mise en place
rapide d’un réseau d’alerte
des éleveurs du secteur en cas d’attaque ;
• L’enlèvement des carcasses
sur le lieu des attaques ;
• La possibilité pour les
petits éleveurs (jusqu’à 450 bêtes) d’estimer
par eux-mêmes le nombre de chiens de protection dont ils ont
besoin
et qui seront indemnisés, en
fonction de la pression qui s’exerce sur le troupeau,
indépendamment de la taille de celui-ci ;
• L’intégration dans les
crédits d’urgence de tous les frais supplémentaires
liés aux attaques de loups (embauche de bergers, fourrage,
permis
de chasse et validation annuelle,
formation des chiens de protection, etc.).
POUR UNE RÉGULATION FORTE DES
POPULATIONS DE LOUPS, L’ÉTAT DOIT :
• Demander fermement le retrait des
loups des espèces protégées dans la convention
de Berne et de la directive Habitat ;
• Donner à l’ONCFS et à
la Louveterie les moyens nécessaires pour assurer une
régulation efficace des populations de loups, avec pour
obligation de résultat la
réduction forte et rapide de la prédation dans les
espaces pastoraux où elle a lieu ;
• Autoriser les prélèvements
en zone coeur de Parc National ;
• Réaliser des actions de
piégeage sous la responsabilité des services de l’Etat
pour éliminer les meutes dévastatrices ;
• Réduire la prédation
dès ses premières manifestations dans des zones de
colonisation.
L’emploi massif de bergers à
bas salaires venus des pays de l’est, le recours à de très
nombreux chiens
de protection, et le braconnage non
réprimé, font que la situation italienne est très
différente
de celle de la France. 3
Cependant, la pression sur les éleveurs
et bergers est, là aussi, insupportable.
« EN ITALIE IL Y A PLUS DE LOUPS
ET TOUT SE PASSE BIEN » IDÉE REÇUE
Septembre 2014 / Confédération
paysanne - 104, rue Robespierre 93170 Bagnolet
Tél. : 01 43 62 04 04 /
contact@confederationpaysanne.fr / www.confederationpaysanne.fr
L’Etat doit aujourd’hui agir pour
soutenir l’élevage extensif, garant par ses pratiques et ses
savoir-faire :
du maintien de la biodiversité
des milieux pastoraux ;
de la protection contre les incendies
de forêt ;
de produits de qualité (agneaux,
fromages...) ;
du maintien d’un tissu social dans
les zones rurales.
LES «VOCATIONS» DES
TERRITOIRES PASTORAUX
Les stratégies d’aménagement
touristique de massifs, espaces ou régions sont déjà
anciennes
en Europe. Cette économie de l’«
or blanc » et des « sports de pleine nature » a
déjà « bétonné »
ou conquis beaucoup d’espaces, de
terres et de prairies dans une grande partie des Alpes. Dans
ce cadre le loup est un produit d’appel
commode.
Une vision frustre et étriquée
de la nature conduit à l’exploiter comme on creuse une mine
jusqu’à
son épuisement et la quitter
ensuite pour d’autres eldorados en laissant les déchets sur
place.
La défense des loups contre les
éleveurs n’est pas une défense des milieux naturels.
Au contraire elle
les met, avec les éleveurs,
clairement en danger.
L’INDUSTRIALISATION DE L’AGRICULTURE
COMME CONSÉQUENCE
Les loups, protégés de
façon irresponsable, gagnent de nouveaux espaces, poussant
toujours
plus d’éleveurs à
enfermer leurs animaux. L’Europe pratique une politique qui
favorise
essentiellement l’agro-industrie.
Prétendre protéger l’environnement en refusant de
prendre
la réelle mesure de la situation
des bergers et éleveurs face aux loups c’est, encore une
fois,
favoriser l’industrialisation de
l’agriculture. Les élevages hors sols, eux, n’ont rien à
craindre
des loups ! C’est l’élevage
paysan qui est en danger. Il reste encore des femmes et des hommes
qui
vivent au quotidien dans des espaces
naturels, qui occupent et entretiennent les milieux,
même les plus difficiles, tout en
produisant une alimentation de proximité et de qualité,
qui
correspond aux attentes de la société.
C’est leur travail qu’il faut défendre !1
2 Source ONCFS sur la base d’un taux
de croissance démographique de 20% par an entre 1997 et 2012.
3 Rapport du voyage organisé
dans le cadre du programme européen LIFE COEX 2004-2008.
(1)
Code de l’environnement – Article L411-2