À l'attention de :
Monsieur le Ministre de la Transition écologique
et solidaire,
Hôtel de Roquelaure, 246 boulevard Saint-Germain
75007 PARIS
Les
Pres le 29 juin 2017
Monsieur
Le Ministre de la Transition écologique et solidaire,
Ancien
chevrier à la retraite, porte-parole de plusieurs associations
d'éleveurs et bergers, 1er adjoint dans ma commune membre de l'USAPR* qui
subit de plein fouet la prédation, bien que cette démarche soit
soutenue par les associations citées dans l’annexe et par de
nombreux éleveurs et bergers, je vous écris aujourd'hui « en
mon nom propre. »
Nous
avons
bien entendu vos positions sur la problématique du loup.
Avez-vous
affirmé «
C’est un équilibre à trouver entre la préservation du loup et la
possibilité de faire du pastoralisme » ?
Si
oui, c'est ce que nous répondent tous les Préfets qui ne sont que
les représentants de l’État
et de sa politique en préambule de chaque "Comité loup".
M.
Hulot,
sauf erreur de ma
part,
la « Fondation
Nicolas Hulot pour la nature et l'homme » (1) est
membre de L'UICN.
Pour
le
WWF, l'UICN et le LCIE l’équilibre entre la préservation du loup
et"la
possibilité de faire du pastoralisme" est
réduite
à peau de chagrin :
« Dans
ces zones [où
évolueront les grands prédateurs]
sont inclus les
secteurs où doivent être établis de fortes restrictions à
l’élevage, en
accord avec les réalités locales, afin que l’élevage ne perturbe
pas les carnivores ».
Dans
les
« territoires inadaptés à sa présence : secteurs du centre
et de l’ouest de la France particulièrement axés sur l’élevage
intensif où sa présence sera inappropriée […]
renforcement
du prélèvement rendant le loup inapte à son installation. »
M.
Hulot, ce
déséquilibre
entre de fortes restrictions pour l’élevage traditionnel
extensif et l’exclusion des prédateurs dans les zones de
productions
intensives et industrialisées
ne permettra pas, je
le crains
"une
discussion
apaisée"
comme
vous le souhaitez.
J'aimerai
par ailleurs
bien comprendre votre position ("j'ai
vu cohabiter le monde sauvage et les communautés humaines dans des
situations beaucoup plus délicates, notamment en Afrique"). Le
fait que des populations subissent des conditions d’existence
difficile pour cohabiter avec des prédateurs justifie-t-il que nos
conditions se dégradent ? S’agirait-il
d’ailleurs des
conditions d'existence
de tous les français ou seulement de celles des paysans confrontés
aux prédateurs ?
En
Inde, les peuples indigènes sont illégalement
expulsés de force (4)
des
réserves de tigres pendant que les touristes y sont les bienvenus.
Au
Botswana et au Cameroun
(5),
où cela a pris des proportions démesurées, les peuples indigènes
sont accusés de braconnage parce qu’ils chassent pour se nourrir.
Ils sont en butte aux brutalités, aux arrestations, à la torture et
à la mort tandis que les chasseurs de trophées sont privilégiés.
Alors
oui M. Hulot, ces
populations sont dans des situations beaucoup plus délicates que
nous autres ruraux français. Nous qui sommes les seuls à subir les
conséquences de la prédation pour que les environnementalistes
adeptes « du tout sauvage loin de chez eux » puissent
réaliser leur « idéal affectif » de la nature.
Pendant
que nous galérons, sur nos terres en butte à l'ensauvagement.
Pendant
que chaque année, plus de 70 000 ha sont artificialisés et
sacrifiés
sur l'autel de la modernité.
Pendant
que dans
les zones urbaines et péri-urbaines, nous
constatons la
débauche du mondialisme ;
Pendant
ce temps, dans la ruralité profonde,
nos territoires servent à
la rédemption des évangélistes adeptes du sauvage à tout crin.
Nos
terres préservées
vont
même devenir des « actions de compensation environnementale »
une fois que nous aurons dû
les quitter par la force des choses.
Vous
avez proposé : "j’ai
lancé dès aujourd’hui un travail collectif pour co-construire les
conditions de coexistence avec le loup."
En
visionnant cette vidéo « Message
de Nicolas Hulot » (6) on
comprend le poids que les fondamentalistes du tout sauvage font peser
sur nos représentants élus ou nommés.
M.
Hulot vous n'avez de cesse de vous excuser d'avoir accordé le droit
aux bergers de défendre leurs troupeaux.Vous allez même jusqu’à
espérer que cela ne se traduira pas par la mort du prédateur.
De
notre côté, nous, de jour comme de nuit, nous « croisons
les doigts »
pour que nos animaux lui échappent.
M.
Hulot, qu'attendez-vous
? Que le berger armé ne
puisse se défendre ?
Ou
que plutôt
le
berger qui refuse de porter les armes
se
fasse attaquer ?
Après
avoir
écouté votre
discours culpabilisant, dans quel état psychologique se retrouvera
celui,
bienveillant envers la biodiversité, qui
aura
été forcé d'abattre
un loup s'en prenant à son troupeau ?
En
attendant que vous remettiez tout à plat, combien de bergers auront
démissionné?
Monsieur
Hulot, dans
certains passages
de votre discours ressortent des menaces pour la survie du
pastoralisme.
Mais
nous avons aussi entendu des propos qui nous ont touché.
Des
propos justes sur ce que vivent ces ruraux remarquables par leur
mode de vie.
Des
propos justes sur le respect qu'ils ont de leur animaux élevés
et sacrifiés pour nourrir sainement nos concitoyens dans la
traçabilité, la durabilité et la proximité.
Des
propos justes sur l'impact favorable de leur relation avec notre
biodiversité, nos paysages et nos montagnes.
Pourtant,
ces gens sont devenus aux yeux de certains des parias de la société.
Et
ce
malgré plus
de 22 ans d'efforts pour mettre en place massivement tous les moyens
de protection possibles et imaginables.
Des
parias, parce qu'ils
ne parviennent pas à se protéger contre
les
prédateurs. Je parle ici des éleveurs et paysans traditionnels et
des bergers et de tous les petits métiers qui en découlent.
Monsieur
le Ministre, c'est le moment ou jamais de prendre rapidement
conscience de la réalité : le pastoralisme se meurt. Sans mesure
courageuse, le tournant sera définitivement pris.
Monsieur
le ministre, dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire
à l'expression sincère de ma considération.
ANNEXE
* USAPR : Union pour la Sauvegarde des Activités Pastorales et Rurales
plaidoyer pour des
écosystèmes non désertés par les bergers :
Nos paysages emblématiques de montagnes, collines, bocages et marais
sont constitués d’une mosaïque de milieux façonnés au fil des
siècles par les pratiques paysannes. La vitalité de ces espaces, de
plus en plus appréciés par nos sociétés urbanisées, se dégrade
rapidement quand ils ne sont plus entretenus par le pâturage
des troupeaux notamment. Or, en de nombreuses régions, les troupeaux
subissent l’assaut des loups. Que faire ? La gravité de la
situation plaide pour l’adoption de mesures d’urgence, sur le
terrain comme dans le domaine réglementaire.
http://www.liberation.fr/terre/2014/10/12/plaidoyer-pour-des-ecosystemes-non-desertes-par-les-bergers_1120258
Connaître
le point de vue de la Confédération Paysanne : La
Confédération paysanne se bat pour une agriculture paysanne, face à
une agriculture industrielle prédatrice
pour les paysans, les territoires et l’environnement. Elle défend
le droit pour les paysannes et paysans de chaque peuple à vivre de
leur activité et selon leur culture.
Le
constat de la cohabitation impossible entre loups et pastoralisme
n’est pas issu d’une idéologie « anti-loup ». Il ne
s’appuie pas sur une défense corporatiste mais repose sur
l’expérience de paysans bienveillants envers la biodiversité.
Cette position est issue de la pratique de paysannes et paysans qui
ont, pour certains, passé plus de vingt ans à essayer de «
s’adapter », en vain.
https://drive.google.com/open?id=0B9HT6mzNQ__VS2lDb3hfMUJPN1E
Le
pastoralisme entre agroécologie et prédation, entre foi dans
l’avenir et désespérance
Pendant
ce temps, dans nos montagnes, dans nos collines, des Alpes aux Vosges
et à la Lorraine, des Pyrénées Orientales à la Lozère, il y a
des éleveurs et des bergers qui pleurent ; des éleveurs et des
bergers qui pleurent des larmes de souffrance, d’impuissance, de
désespoir, face aux ravages toujours plus étendus et de moins en
moins contrôlables que provoque la prédation sur les troupeaux par
les populations de loups en croissance continue et solidement
implantées. Dans chaque cas, ce sont des années de travail patient
et tenace qui volent en éclats, des vies de familles qui vacillent,
la confiance dans les espaces pastoraux qui disparaît, la
convivialité avec les randonneurs et autres pratiquants de loisirs
en milieu naturel qui laisse place à l’angoisse des risques
générés par la présence imposée des chiens de protection. Depuis
plus de vingt ans la situation ne cesse d’empirer ; les moyens de
protection, massivement mobilisés par les pouvoirs publics et
massivement mis en œuvre par les éleveurs, s’avèrent
d’efficacité limitée et lourdement contraignants. Encore combien
de temps cela pourra-t-il tenir ?
Extrait
du livre de L. David Mech
et Luigi Boitani, Behavior,
Ecology and Conservation : « Pour
le dire crûment, de plus en plus de gens aiment le loup, mais de
moins en moins comprennent et mesurent son contexte écologique.
Après des décennies de plaidoyer en faveur de la conservation du
loup, nous sommes maintenant au défi de réorienter cette adhésion
vers un raisonnement plus rationnel, contextualisé enfin, en prenant
en compte non seulement le loup, mais aussi tout son environnement,
y compris les intérêts légitimes de l’homme. /…/
A propos du loup taxé d’«espèce
parapluie», de «clé
de voûte de la biodiversité», d’«indicateur
de la qualité ou de l’intégrité d’un habitat» et
autres idées reçues qu’ils ont inspirées eux-mêmes, les auteurs
constatent ceci : «Les
loups ne méritent pas de tels labels. Si ceux-ci ont été de
formidables moyens pour déclencher les émotions, obtenir et réunir
rapidement des soutiens au rétablissement des loups,
il nous faut prendre conscience que ce furent là des raccourcis pour
vendre un produit, plutôt que de bonnes bases scientifiques. Le
loup devra être contrôlé partout où il revient. Dans la plupart
des cas, le contrôle direct par destruction est habituellement
l’unique voie possible.»
http://www.liberation.fr/debats/2017/06/26/derriere-le-mythe-juste-un-animal_1579651
Cette
démarche personnelle a reçu le soutient de :
Collectif
pour la sauvegarde du pastoralisme dans le Haut Diois, 26310 Les Pres
Association
Éleveurs et Bergers du Vercors Drôme-Isère, 26120 Combovin
Collectif des Éleveurs de la Région des Causses et Leur environnement 48, 48 150 Hures La Parade.
Association
des amis de l'Aigoual, du Bougés et du Lozère, 48220, Le Pont de
Monvert.
Collectif
des Éleveurs de la Région des Causses et Leur environnement 12, 12
150 Séverac d'Aveyron.
Association pour l'Équilibre et le Développement du Massif vosgien, 68 160 Thillot