Depuis plus de 20 ans, on nous fait croire que la cohabitation avec le loup est possible. On a passé beaucoup de temps à écouter les uns et les autres, à recevoir des conseils de garde et de protection, à faire des essais. Au départ, on a voulu faire preuve de bonne volonté, on a suivi ces conseils. Aujourd’hui il faut l’avouer : on nous a fait palabrer des heures inutilement dans des réunions, écouter des rapports de fonctionnaires et pseudo-spécialistes qui, bien souvent, n’ont jamais mis les pieds sur une estive ou même dans une exploitation... ON NOUS A TROMPÉS.
Nous avons entendu tous les mensonges possibles et imaginables. On nous a dit notamment que la cohabitation se passait bien en Espagne, en Italie et ailleurs. C’est faux ! Et le pire, c’est qu’on nous a presque fait admettre que nous sommes de mauvais bergers, incapables de garder nos bêtes ! Et si elles se font dévorer, c’est de notre faute, en somme…
On a vu défiler des apprentis sorciers qui avaient tous la solution miracle, des illuminés qui venaient nous donner des leçons et nous apprendre notre métier. Mais dans le genre folklorique, le clou du spectacle a été l’arrivée de Christophe Castaner en 2013 ! Lui aussi, il avait SA solution : établir la responsabilité des éleveurs et bergers pour disculper l’Etat. Lui qui n’a jamais fait la différence entre pouvoir législatif et exécutif, s’est mis à présider cette grande machine à palabres faite pour amuser le public qu’est le Groupe National Loup.
Il est bien triste et regrettable de dire que notre député C. Castaner, lui aussi nous a trompé. Mais aux médias, il s’est permis de déclarer, je cite : " J'invite les Eleveurs à assumer leurs responsabilités"! - "Dans leur métier, il y a la défense du troupeau. Si ils pensent que c'est l'Etat qui va venir, qui va réguler et qui va protéger, ils se plantent (...)".
Depuis, il veut faire de nous des cow-boys armés, une nouvelle fonction qui n’est prévue dans aucune école de berger, pas même dans les formations, au contenu très discutable d’ailleurs, financées par le Conseil Régional.
Mais Monsieur Castaner oublie que l’Etat a des obligations régaliennes. La première et l’une des plus fondamentales, c’est la protection des biens et des personnes ! C’est à l’Etat de protéger les troupeaux et les exploitations, pas aux éleveurs et aux bergers de se transformer en chasseurs professionnels, obligés de payer un permis de chasse pour défendre leur troupeau, et leur famille !
Il serait temps que la France applique LA LOI : l’article L 113-1 du Code Rural stipule que :
"Par leur contribution à la production, à l'emploi, à l'entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, l'agriculture, le pastoralisme et la forêt de montagne sont reconnus d'intérêt général comme activités de base de la vie montagnarde et comme gestionnaires centraux de l'espace montagnard".Ce même article indique ensuite que :
"En conformité avec les dispositions des traités instituant la Communauté économique européenne, le Gouvernement, reconnaissant ces rôles fondamentaux de l'agriculture, du pastoralisme et de la forêt de montagne, doit s'attacher à : Assurer la pérennité des exploitations agricoles et le maintien du pastoralisme, en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de l'ours dans les territoires exposés à ce risque".Depuis des décennies, les services de l’Etat n’ont JAMAIS respecté les obligations liées à cet article !
Depuis plus de 20 ans, nous sommes sans arrêt critiqués et humiliés. On nous fait passer pour de mauvais bergers. Pourtant, au cours du séminaire organisé par le CERPAM et la Chambre d’Agriculture des Alpes-Maritimes à Valdeblore, il a été démontré qu’il est IMPOSSIBLE pour nous d’aller plus loin en matière de protection. Laurent Garde, écologue au CERPAM, le répète fort justement : nous sommes arrivés au bout de ce qu’il était possible de faire. Les services de l’Etat étaient tous représentés à Valdeblore mais tout ce beau monde fait comme s’il n’avait rien entendu…
En matière de loup, le constat, après plus de 20 ans d’observations, est simple, et contrairement à ce qu’on a voulu nous fait croire, il est identique dans tous les pays européens : la cohabitation n’est PAS POSSIBLE ! Il va falloir qu’on fasse des choix en modifiant notre législation. Que veut-on ? Du pastoralisme et de l’élevage de montagne de qualité, ou bien des loups ? Avoir les deux à la fois, c’est impossible !
Si l’Etat choisit le pastoralisme et des productions de qualité, il doit en tirer les mêmes conséquences que nos anciens : c’est-à-dire l’éradication du loup. En fait, on ne sait même pas s’il s’agit vraiment de loups ou de chiens-loups puisqu’aucune étude n’existe. Rien n’a été fait depuis la dernière recommandation de la Convention de Berne concernant les hybrides.
Pour notre part, nous optons pour une éradication rapide du loup et la mise en place d’un grand plan de développement du pastoralisme et de l’élevage de qualité en montagne, toutes filières confondues.
Ça fait plus de 20 ans que notre sort est directement lié à celui des loups. Ça a trop duré ! A l’exception de quelques associations extrémistes qui militent pour le « tout sauvage », sans présence humaine, associations toujours très largement subventionnées par les pouvoirs publics, nous savons tous que l’élevage de montagne contribue "à l'entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité". Alors pourquoi ne fait-on rien pour en assurer le développement ?
Nous avons des cabanes lamentables, souvent sans eaux et sans toilettes. On nous impose de fait des bergers permanents alors que nous ne sommes pas en mesure de respecter la législation du travail en matière de logement des salariés et de la protection sanitaire des personnes. Rien, ou si peu, n’a été fait en matière de communication GSM et numérique alors que la gestion d’une exploitation passe aujourd’hui impérativement par Internet. De trop nombreuses estives ne sont toujours pas désenclavées ce qui rend de plus en plus difficile de trouver des bergers salariés….
La liste de nos difficultés est encore longue, très longue, sans parler de la formation et de l’installation des jeunes dans un contexte que les pouvoirs publics, seuls responsables, ont rendu lamentable.
En regard de ces besoins pour la survie de nos alpages, pour la vie de nos vallées, on apprend [séminaire du 24 septembre au Conseil départemental] qu’au titre des fonds FEADER, destinés au développement rural en Paca, 32 M€ sont affectés aux prédateurs (oui je répète 32 M€) et 4 pauvres petits millions au pastoralisme. N’était-ce pas une véritable provocation ???
Le développement du pastoralisme dans un contexte de développement durable est le seul garant du développement de la biodiversité, de la paix sociale et de l’avenir économique de nos vallées. L’agriculture de montagne est le complément indispensable au développement touristique par le maintien d’une vie valléenne, de liens sociaux avec les citadins et la fabrication de produits de qualité.
Il nous parait indispensable de très vite penser à l’avenir en élaborant un grand plan de développement du pastoralisme à l’échelle de la région. Il faut abandonner les palabres inutiles autour de la gestion des chiens de protection, de plus en plus problématique pour le tourisme. Arrêtons ces stratégies administratives toutes plus délirantes les unes que les autres qu’on cherche à nous faire avaler au sein de ce machin sans consistance juridique qu’est le GNL.
Il faut passer à la vitesse supérieure à partir de structures légales telles que le Comité de massif. Les Pyrénéens l’ont fait en supprimant le Groupe National Ours. Pourquoi pas nous ? Il faut aussi que nos chambres consulaires se mettent au travail pour élaborer un plan partagé entre tous. Notre avenir professionnel ne doit plus dépendre uniquement de l’environnement et des DREAL. Nous pourrons voir, au moins une fois dans notre vie, un Ministre de l’agriculture venir enfin sur le terrain, parler avec nous de développement de l’agriculture de montagne et non des loups.
Il est insupportable de constater que depuis plus de 20 ans, seul le loup s’impose au nom d’un grand mensonge mis en place par quelques hauts fonctionnaires aidés par les idéologues du tout sauvage. Une lettre du Président de la République François Hollande et une autre de la Ministre de l’écologie, Ségolène Royal, prouvent sans la moindre ambiguïté, qu’il y a bien eu introduction. Le témoignage enregistré et filmé d’un garde du Parc des Abruzzes le confirme ainsi que de nombreux autres faits. Cessons de nier cette réalité et posons-nous les deux vraies questions majeures pour notre avenir :
Que veut-on faire de nos territoires de montagne ? Qui doit décider de notre avenir, de notre vie et nos modes de travail ?
Soit nous sommes dans une République démocratique et c’est à nous, habitants des vallées, d’en décider, et à nous, éleveurs, de dire de quelle manière nous voulons et pouvons travailler, soit nous sommes dans une dictature et tout nous est imposé par le haut comme l’a été le loup en 1992 et probablement avant.
Ça fait 20 ans qu’on écoute des apprentis sorciers, souvent directement responsables de cette catastrophe écologique, sociale et économique. Ça suffit ! La seule chose qui ait évolué positivement, ce sont les chiffres des prédations. Le temps des palabres, des rapports sans lendemain, de dizaines de millions gaspillés de fonctionnaires qui cherchent seulement à justifier leurs postes, doit cesser. Aujourd’hui, la seule solution acceptable est celle choisie par nos anciens : l’éradication du loup et rapidement.
Cette page stupide de notre histoire, créée de toutes pièces par des idéologues et fonctionnaires irresponsables, doit être tournée. C’est à l’Etat d’assumer pleinement ses responsabilités en faisant respecter notre législation en faveur de l’élevage de montagne. C’est aux élus, notamment régionaux, départementaux et consulaires, de prendre des initiatives de projets de développement, comme d’autres massifs ont su le faire avant nous et avec des résultats.
Monsieur le Préfet et Messieurs les élus, nous avons un grand chantier à lancer pour l’avenir de nos territoires mais aussi de nos familles ! Nous avons pris 20 ans de retard dans de nombreux domaines. Alors, soit nous relevons le défi, soit nous abandonnons. La balle n’est pas seulement dans le camp des éleveurs. Elle est aussi et surtout dans votre camp !
Nous devons passer à une phase de reconstruction, sans l’intervention de charlatans et d’amateurs, avec un grand plan régional de développement discuté, élaboré et partagé entre professionnels.
Mesdames et messieurs les élus, c’est cela que nous attendons. Rien d’autre !
VERSION PDF ET ANALYSE DU DISCOURS