Cet
après-midi, le berger que j'ai croisé sur le chemin menant au parc
des moutons, m'a dit :
"Pourrais-tu
m'apporter deux bouteilles, car je dois traire les chèvres et j'ai
oublié le récipient"
Tard
dans la soirée, alors que j’étais en train de finir de désherber
les jeunes pousses d'oignons rouges et blancs qui feront le délice
des clients et invités de la ferme, j'ai entendu le cri de
ralliement poussé par le pâtre. Il était l’heure de rentrer les
animaux dans leur enclos de protection contre le loup. Vite, je saute
sur mon quad et, passant par la maison, demande à ma compagne deux
bouteilles que je m'empresse de lui apporter.
"Ah te
voilà, je croyais que tu m'avais oublié !"
"Mais
comment vas-tu faire pour mettre le lait dans la bouteille?" lui
répondis-je .
"Vois,
je trais directement dedans, d'abord Marguerite et ensuite Blanchette
qui ont toutes les deux leurs chevreaux, mais qui me donneront bien
deux bons litres de lait."
"Tu
vas t'en servir pour le petit déjeuner?"
" Oh
non..., heureusement que tu as pensé à moi, car j'ai
deux agneaux qui viennent de naître et dont la mère a été tuée
par le loup. Ils
ne
seraient
pas contents si je rentrais les mains vides!
Pour le moment, ils sont dans une caisse dans la cuisine et se
mettent à bêler avec force dès qu'ils entendent la porte grincer.
Pas
question
d'arriver sans leur souper!"
"Oh
là là, mais tu n'as pas peur que le loup recommence ???"
"Eh
bien tu vois, il est 9 heures et la nuit ne va pas tarder à tomber,
je suis debout depuis 6 heures ce matin, je me suis occupé des
bêtes, de la ferme, et de tout ce que le quotidien me donne à
faire. Cette nuit il faut que je me repose et, demain matin, je
perdrais peut être tout pour satisfaire un lobby
qui ne respecte pas la vie des gens comme nous, car nous sommes
insignifiants. Nous ne perturbons rien, nous respectons la nature qui
nous fait vivre, mais rien n'y fait. Les défenseurs du loup nous
ignorent et sans aucune compassion, nous font disparaître, ne se
posant pas la question de notre devenir, loin de nos terres et de nos
sources! On me proposera une indemnité et je serai obligé de
partir. Pour aller où?; en ville, où je vais passer pour un
pique-assiette, à l'heure où plus de mille chômeurs par jour
viennent grossir les rangs des sans-emploi !"
Ce
soir, je suis rentré chez moi triste et en colère. Bien sûr, le
loup a le droit de vivre, mais qui supporterait que ce soit au
détriment de sa propre existence ? Jamais ses défenseurs ne se sont
posé la question pour nous car elle ne se pose pas pour eux qui ne
subiront jamais l'ombre d'une contrainte engendrée par leurs
protégés !
Aujourd'hui,
le berger ne reviendra plus, il a baissé les bras, vendu le troupeau
et gardé Blanchette et Marguerite, s'imaginant pouvoir les
préserver......Les pâturages se fermeront, la biodiversité en
pâtira, les gens partiront, l'école fermera, les villages plusieurs
fois millénaires disparaîtront ou seront reconvertis en résidences
secondaires, nos enfants iront grossir le troupeau des citadins.....
Cette
conversation entre Ouragan et son voisin, absolument authentique, a
eu lieu à la fin du printemps 2013 dans le Haut Diois, juste avant
la manifestation du 6 Juillet 2013 : en ce mois de juin, le loup a
fait plus de 40 victimes dans la commune et les communes avoisinantes
!