Récit d’un été sur l’alpage du JOCOU - versant Lalley (38) et Lus la croix Haute (26)
Je fais cette montagne depuis cinq ans. Je la connais. Cette année encore, j’ai assumé seul la gestion d’un troupeau de 1200 brebis avec des moyens techniques appropriés à se préserver des attaques de loup (parc électrique, bergerie, et 4 chiens de protection).
JUIN
Le 15 juin, je suis Informé des attaques sanglantes sur la commune de LUS. Je constate quotidiennement une excitation des chiens de protection. Je suis donc contraint de rester avec le troupeau du matin au soir. La zone pâturable est boisée. J’entends souvent les chiens de protection partir excités dans les bois. Par manque de visibilité, je ne peux pas identifier ce qu’ils poursuivent.
Fin juin, un comptage de l’effectif du troupeau fait apparaître qu’il en manque déjà 7.
Disparues à cause du loup ou pas ? Pas de preuve donc pas d'indemnités aux éleveurs
JUILLET
Le 5 je crois apercevoir furtivement une louve et ses deux louveteaux.
Le 15 je l’observe un long moment en contrebas d’une pente. Il s’agit bien d’une louve avec ses petits.
La forte chaleur de juillet nous cantonne dans les parties boisées et ombragées. Jour et nuit les chiens sont excités. Ils ne se reposent plus. Les loups rôdent, c’est sûr ! Par précaution, je dors au milieu du troupeau une nuit sur 2. Les chiens s’épuisent et certains ne viennent plus au troupeau dans la journée.
Le 29, vers 4h du matin, réveillé par les aboiements particulièrement violents, je comprends qu’il s’agit d’une attaque de loup. Je me précipite dehors. Le troupeau a forcé le parc de nuit. C’est le début de la galère ! Durant une dizaine d’heures, je cavale dans la montagne effectuant des allez-retour d’un versant à l’autre pour regrouper les bêtes dispersées. Dans mon périple, je découvre des brebis mortes ou agonisantes. J’ai prévenu les gardes assermentés de l'ONCFS en charge d'établir les constats. Je dois encore remonter les pentes pour couvrir les cadavres (avant l’arrivée des vautours).
Le 30, je cavale encore une partie de la journée en compagnie des gardes de l'ONCFS pour constater les dégâts et retrouver des bêtes blessées. J’en profite pour en redescendre une sur mes épaules.
Bilan additionné fin juillet, 13 brebis disparues, 4 égorgées et 6 blessées.
« Au cours de ces dernières 48 h, j’ai eu peu de temps pour manger et dormir. Je suis allé au bout de mes limites physiques ( crampes et hypoglycémie…). Cet aspect du métier remet en question l’ image d’Épinal du berger serein au milieu de ses brebis, à mille lieues de la galère générée par le loup !
AOÛT
Les attaques de nuit se reproduisent à deux reprises avec en plus des raids furtifs par temps de brouillard. Laissant des animaux prostrés avec de multiples blessures. Le tournoiement des vautours m'indique d'autres cadavres, me contraignant à de nombreux marathons pour empêcher ces oiseaux de jouer leur rôle de fossoyeur avant les constats officiels.
Bilan adittionné fin Août : 15 disparues, 8 tuées, 9 blessées.
Je constate de plus en plus souvent des avortements. J’apprends alors que 41 attaques ont été répertoriées sur les alpages voisins et que certains éleveurs ont redescendu les troupeaux. Cela ne présage rien de réjouissant en septembre pour ceux qui restent !
SEPTEMBRE
Le 4, le 9, le 19 et le 23 : 4 nouvelles attaques de loup en journée me permettent de comprendre la stratégie de ces fauves. Malgré la présence humaine et la vigilance de 4 chiens aguerris et en alerte permanente, nous subissons des attaques éclairs. Durant une poignée de secondes, ils écartent 2 ou 3 brebis du troupeau qui, poursuivies par un des loups, disparaissent dans les pentes.
Passée la surprise de la 1ere attaque, je pressens les trois autres au comportement des chiens furetant aux environs du troupeau. Un ou deux loups entraînent les chiens à leur poursuite pendant que d’autres surgissent dans mon dos et isolent les bêtes.
Le 23 , quelques minutes après l’attaque où 1 seule brebis a été écartée , je réalise qu 'elle à été attrapée par deux loups dans la pente, 300 m plus bas. IRIS chien Berger d’Anatolie de 70 kg est sur leur dos. Une bagarre entre les trois bêtes est engagée.
D’abord terrifié, je me lance à son secours. C'est seulement arrivé à quelques mètres que les deux loups menaçants finissent par lâcher prise.
Je récupère mon chien qui doit sa survie à son collier clouté. Malgré de graves blessures, il reprendra sa place quelques jours après.
Lors du constat, le lendemain matin, nous observons le cadavre de la brebis entièrement consommé, soit environ 30 Kg de viande. L’expertise fait apparaître qu’une telle quantité de viande absorbée dans la nuit correspond à la présence d’au moins 5 ou 6 loups
Bilan fin de saison : 18 disparues, 12 tuées et 12 blessées
Épilogue :
Le 8 octobre, les éleveurs ont redescendu leurs brebis.
Le 15 octobre, l’un deux, habitant LALLEY à proximité de la montagne du JOCOU, à subit dans son village une nouvelle attaque de loup. Le bilan est lourd : 13 brebis tuées et 15 blessées, ce qui correspond pour lui, en additionnant ses victimes sur l’alpage du JOCOU, à plus de 15% de perte sur l’ensemble de son troupeau
Les éleveurs sont les premières victimes des prédations du loup et nous les soutenons. Nous avons ensemble, bergers et éleveurs, mis tout en œuvre pour protéger les troupeaux.
L’hypothèse que le loup fuit les humains est une contre vérité, les témoignages et vidéos sur les attaques en plein jour le prouveront.
L’apparente hybridation de certain loups vus à 20 m de mon troupeau me fait douter sur le fait qu’ils seraient venus seuls d’Italie.
Mais, qui se soucie du berger qui, en 4 mois, effectue le même nombre d’heures de travail qu’un salarié sur l’année ? Nous avons pourtant des conventions collectives et des contrats de travail clairement établis au maximum d'heures pour effectuer notre métier
Qui va nous payer les centaines d’heures passées de jour comme de nuit à lutter pour éloigner ces loups de nos troupeaux ?
Qui ment depuis des années sur la réelle progression des loups en minimisant leur nombre malgré la réalité qui nous plonge désormais dans une gestion de troupeaux confrontés toute l'année à la présence des meutes ?
Pour parer aux problèmes posés par le loup :
- il faudrait 4 postes de bergers par troupeaux : rémunérés par qui ? Comment financer les logements de ces nouveaux venus… !!
- un poste de gardien de chiens de protection : les défenseurs du loup préconisent un chien de protection par centaine de brebis, soit en moyenne 12 à 20 chiens par troupeaux.
Le coût des dépenses globales de la protection des loups s’élève déjà à 50 000 € par loup, alors que l’argent public se tarie dans d’autres domaines tels la santé, le social, les services publics… !!!
Le loup une dépense luxueuse dans un monde en crise économique !!!!!
Transcription intégrale du Témoignage du berger Patrice Marie
TENEZ VOS LOUPS EN LAISSE, MOI JE GARDE MES BREBIS, sera probablement le titre d’un livre que nous, bergers salariés, nous nous devons d’écrire afin d’informer le public sur la réalité des conditions de travail et de stress que génèrent la pression et la présence des loups dans nos alpages.
Autre témoignage : "les bergers malade du loup" émission France inter
Éleveurs, les morsures invisibles, document Mutualité sociale Agricole
L'analyse d'Ouragan:
Que se cache t'il derrière la réintroduction des loups dans les zones des petits élevages respectueux, proposant des produits de qualité, dans la durabilité, la traçabilité et la proximité?
Quelques éléments de réponse: