Analyse d'un article publié dans Reporterre. Un média capable quelquefois du meilleur mais tout aussi souvent du pire.
La quasi totalité
de l'article se veut condescendante et bon enfant ; on fait joujou
avec le loup et on explique que la cohabitation est possible. Bien sûr on précise qu'il ne faut pas être malade ou affaibli. Seuls les
supers bergers, grands protecteurs du canis lupus peuvent y
arriver avec l’aide toutefois de
Férus à travers P
astoraloup.
Je ne traiterai donc pas l'ensemble de cet un article
condescendant empreint de morale et de valeurs universelles conformes à l'idéologie des supers héros. On y laisse même sous entendre que le braconnage serait important et responsable des nombreuses attaques. Attaques qui ont pourtant commencé avant l'arrivée officielle des loups dans le Mercantour : alors qu'un loup a déjà été tué au cours d'une battue en 1987," les gardiens du parc ne disent mot face aux éleveurs qui se plaignent d'attaques de chiens. L'administration se justifiera plus tard :" Nous avions pris la décision de ne pas officialiser cette présence de loups avant d'avoir définitivement écarté l'hypothèse qu'il s'agissait de chiens errants ensauvagés". Il s'agissait donc déjà bien d'attaques de loups comme le précise en 2000 le Ministère de l’Environnement, projet Life Nature, « Conservation des grands carnivores, le Loup en France », rapport final 1997-1999 de mai 2000 :« Les attaques sur le cheptel domestique constituent souvent un des premiers signes de présence du loup sur un nouveau secteur »
Là ou ça donne
envie de gerber, c'est quand les moralistes affirment : « Une
brebis attaquée c’est 500 euros, une chèvre, 800. Si on les
avait vendues, on en aurait eu pour 100 euros. Et le nombre de
personnes qui laissent tuer leurs animaux malades pour toucher
l’indemnité… »
Une
brebis laitière qui se fait attaquer en début d'estive, c'est la
perte d'environ 120 jours de lactation, soit au minimum 180 litres de lait
non transformé en fromage : 900€ de perte auxquels s'ajoutent les 100€ puisque on ne peut plus la vendre en fin de carrière. Sans compter l'agneau ou l'agnelle qu'elle ne donnera pas en fin de saison et la baisse de
lactation de ses congénères stressées par l’attaque, entre 10 et
30 % selon les cas.
Pour une chèvre c'est aussi : 120 jours de lactation, soit au minimum 240
fromages, la perte s’élèverait à 960€ plus les 60€
perdus de la vente en fin de carrière. Toujours sans compter le ou les chevreaux(-ettes) (de 120 à 180€ pièces selon leur destination viande ou laitière, voire beaucoup plus en cas de reproducteur mâle génétiquement rigoureusement sélectionné). Ajoutons les pertes de rendement plus importantes chez les caprins stressés.
L'année suivante, dans les 2 cas, ovins ou caprins, vous gardez une agnelle ou une chevrette sélectionnée pour sa génétique performante en remplacement que vous ne vendez donc pas (180€). Puis vous perdez une année de lactation de l'animal prédaté (environ 1000€) en attendant que sa remplaçante devienne adulte (et peut-être rebelote si elle devient à son tour la proie d'un prédateur).
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En voilà un qui avait beaucoup de chèvres malades selon l'auteur de l'article dans le média Reporterre |
Alors
supposons que quelques éleveurs profiteraient de la situation pour
toucher l''indemnité, si vous savez faire l’addition des pertes réelles, on est encore bien loin du compte pour
l'ensemble de la profession qui subit la prédation.
C'est donc bien grâce à d'odieux témoignages de ce genre repris par des médias peu scrupuleux
quant à l'estime qu'ils ont de leurs lecteurs et de la déontologie de l'information, que la légende de la
cohabitation perdure chez les convaincus, envers et contre toute réalité.
Reporterre essaye de nous livrer une théorie universelle à partir du témoignage de 2 éleveurs sur une seule et même exploitation...! Pour l'ensemble de la profession il en va tout autrement.
EXTRAIT DE LA LETTRE DE "
l'association des Bergers Fromagers Rhônalpins" qui regroupe les éleveurs ovins lait de 8 départements, AU MINISTRE DE L'ÉCOLOGIE.
- la compensation financière de pertes occasionnées par le loup.
J'attire tout particulièrement votre attention sur le fait que, pour des petits élevages laitiers fromagers, dont les surfaces pastorales primées sont fréquemment faibles, le revenu repose essentiellement sur la production de lait. La perte de seulement quelques individus (la perte de 3 à 5 brebis en une seule attaque n'est pas rare) peut mettre en péril, en une seule saison, la survie de l'exploitation toute entière si les indemnisations apportée par l'Etat ne couvrent pas le manque à gagner des exploitants. Le niveau d'indemnisation proposé dans le barème qui a été présenté aux organisations professionnelles et syndicales pour les ovins laits est en nette régression par rapport à la circulaire précédente de 2011, elle-même déjà très mal calibrée pour ce type d'élevage. Sans rentrer dans des détails techniques que nous pourrions vous développer au besoin, nous estimons par exemple que l'indemnisation de 525 euros proposée pour une brebis laitière fromagère revient à laisser à la charge de l'éleveur dans certains cas, entre le tiers et 3⁄4 de la perte subie ! Cela est consternant car cela revient à faire financer à l'avenir, encore plus qu'aujourd'hui, une part de l'alimentation du loup par les éleveurs eux-mêmes ! On peut remarquer en outre que l'indemnisation forfaitaire des pertes proposée pour des brebis laitières est toujours nettement inférieure à celle des caprins, et qu'aucune souplesse n'est prévue pour les ovins laits, permettant dans les cas particulièrement dramatiques et sur présentation de justificatifs, d'ajuster l'indemnisation aux pertes subies. Ce contraste est surprenant dans la mesure où, à notre connaissance, aucune donnée technique ou économique ne permet d'étayer un moindre coût d'élevage ou une moindre rentabilité des élevages ovins laits. Je ne peux supposer que cela soit dû à de simples considérations budgétaires qui s'exerceraient au détriment des éleveurs ovins.